"Les défauts de Bush ne sont pas ceux de Sarkozy"
Interview - Le candidat de l'UMP est-il un "clone" du président américain, comme l'affirme le PS ? L'analyse d'un prof de sciences politiques américain. Frank Baumgartner, enseignant à Penn State, souligne, qu'aux Etats-Unis, le qualificatif de "néo-conservateur" pourrait s'appliquer au ministre de l'Intérieur. F. B. : D'un strict point de vue politique, Sarkozy pourrait en effet être qualifié de néo-conservateur. Mais quand les Américains pensent à Bush, ils ne pensent pas uniquement à la politique, mais à l'homme en lui-même, à sa personnalité. C'est très différent de la pensée néo-conservatrice. Or, en dehors de la confiance parfois inébranlable en leur politique et leur "manque de doute" quelle que soit la situation, les défauts de Bush ne sont pas assimilables à ceux de Sarkozy. Le terme "clone" est donc exagéré.
Frank Baumgartner est professeur de sciences politiques à l'Université Penn State, en Pennsylvanie. Il a effectué de nombreux séjours en France, pendant lesquels il a notamment collaboré au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof) et enseigné à Sciences Po-Paris.
Il analyse pour LCI.fr l'enquête socialiste "Les inquiétantes ruptures de M. Sarkozy" dont le dernier chapitre est intitulé "Nicolas Sarkozy ou le clone de Bush".
LCI.fr : Pour étayer son propos, le rapport socialiste aborde beaucoup la situation sociale et économique américaine. Qu'en pensez-vous ?
F. B. : Evidemment, d'un point de vue franco-français, le rapport est partisan. Accuser son adversaire de véhiculer des valeurs étrangères n'est pas nouveau. Ici, si on voulait dire qu'Hillary Clinton est trop à gauche, on lui reprocherait justement d'avoir des valeurs européennes.
Concernant la description des Etats-Unis, le document est bourré de généralités qui sont à la limite de la caricature. Par exemple, le "rêve américain" -partir de rien et devenir riche et donner la primauté à l'individu sur la collectivité- n'est pas pris au pied de la lettre par tous les Américains. Beaucoup de gens tiennent aux valeurs sociales, qui ne sont pas une chasse gardée européenne. A contrario, en Europe, beaucoup accordent une grande importance à l'individu. Ces banalités me rappellent les débats au Congrès quand ils ont interdit l'utilisation du terme "french fries" au restaurant du Sénat pour protester contre votre opposition à la guerre en Irak
LCI.fr : Dans quels domaines la politique de Sarkozy peut-être elle comparée à celle de Bush ?
F. B. : Sarkozy étant votre ministre de l'Intérieur, le parallèle le plus évident concerne la sécurité. Comme Bush, il fait passer au second plan les libertés civiles pour lutter contre la criminalité. A une différence près : nous sommes en guerre, alors que vous ne l'êtes pas. Sa politique de fermeté, avec l'utilisation de terme comme "racaille", et son modèle d'intégration sociale ressemblent également à ceux de Bush.
LCI.fr : Peut-on dire, comme l'affirme le rapport, que Sarkozy est un néo-conservateur, au sens américain du terme, voire un "clone" de Bush ?